Le bonheur

J’ai posé une question à ma mère… je ne me rappelle pas quel âge j’avais, je n’étais pas bien vieille mais assez pour avoir déjà rencontré le vide à l’intérieur de moi, celui qui vous aspire jusqu’à commettre l’irréparable. Elle était déjà malade, je devais donc avoir 16 ans environ.

Je lui avais demandé si elle était heureuse, elle avait mis un temps d’arrêt avant de me répondre, ce qui m’avait un peu surprise, comment ça se fait qu’elle réfléchisse avant de répondre. Étais-je convaincue qu’elle était heureuse ? J’imagine que oui. Elle avait un mari qui l’aimait et deux enfants, une maison…je ne sais pas, dans ma tête d’ado à peine sortie de dépression, pour moi, ma mère était heureuse, malgré sa maladie…elle avait tout ce que l’on m’avait dit, ou ce que je croyais qu’il fallait avoir pour être heureuse. Elle était aimée… J’étais pas bien fine et je crois que ne le suis toujours pas…Désolée.

Après ce petit moment de réflexion, elle a fini par me répondre que le bonheur c’était pleins de petites choses : un sourire d’enfants, un coucher de soleil…pleins de petits bonheurs mis bout à bout…

Ah ? Oui ?! Cette réponse me suit et me suivra toute ma vie, je me la remémore souvent pour apprécier ces petites choses qui sont finalement, un hymne au moment présent, elle avait donc raison. Mais ma mère n’a pas eu le temps d’aller plus loin dans la réflexion ou ne m’en a pas fait part. Et je découvre, le reste, seule ou auprès d’autres personnes. Je découvre donc que le bonheur n’est pas que matériel, que l’argent ne fait pas le bonheur mais y contribue, que de suivre le rêve qu’une société t’impose ne garantit pas le bonheur…de le chercher à l’extérieur de soi, auprès de ton partenaire, tes enfants et amis, ça ne suffit pas…

Le bonheur…ça serait effectivement la somme de toutes ces petites choses et ces plaisirs de la vie ,…mais il manque quelque chose, à cette somme de plaisirs…qui serait propre à chacun.

Après l’avoir cherché tout autour de moi, après l’avoir appelé de tout mon cœur, l’avoir quémandé, et après qu’il me soit filé entre les doigts plus d’une fois, manifestement il y aurait aussi cet amour que je cherche désespérément depuis l’enfance qui ferait parti de l’équation, de mon équation.

Il y aurait aussi cette obligation au bonheur qui empêcherait bon nombre d’entre nous d’y accéder. Promesse idiote faite à ma mère : je serais heureuse. Aujourd’hui je ne suis pas vraiment heureuse, et c’est ok ! Faites pas chier !Demain ça sera autrement…et oui «  l’espoir »…encore une pièce à mettre dans le sac du puzzle du bonheur, ou une goutte à mettre dans sa coupe.

Ce bonheur indéfinissable, je l’ai trouvé plusieurs fois, un truc qui te submerge d’amour, qui t’entoure d’une chaleur douce et d’une lumière blanche, et un tel apaisement et soulagement que tu ne peux décrire. La première fois a été plus que frustrante, j’ai vu le tunnel et la lumière au bout, et cette sensation indéfinissable de bonheur et d’amour, on me l’a refusé car ce n’était pas mon heure. Et depuis je suis encore plus en colère, je leur en veux…Je cherche cet état sur terre, je veux « rentrer chez moi ». Et oui ça ne fait pas longtemps que j’ai mis les mots dessus. J’ai bien fait lors de ma première tentative de suicide à l’adolescence une expérience de mort imminente, assez courte mais suffisante pour y goûter .Cette petite phrase qui me trotte dans la tête, quand le moral est au plus que bas, même quand je suis chez moi ,prend tout son sens.

J’ai retrouvé un semblant de ce bonheur en appelant ma mère de l’autre côté du voile, en faisant des câlins avec mes enfants et lors d’une médiation, je tente régulièrement de retrouver ses sensations, en respirant, en appliquant la réponse maternelle…en ouvrant mon cœur, dès que mes blessures d’enfance me le permettent. Pour moi aujourd’hui le bonheur est synonyme de paix intérieure, d’être serein. Il m’aura fallu de nouveau traverser les profondeurs de mes blessures, pour comprendre enfin que le bonheur que je cherche , que l’amour après lequel je courais est en moi,…C’est lumineux, chaud et apaisant …faut juste maintenant s’en rappeler: le bonheur est en soi.